Thème de ce texte = Trap (Piège)

Bien que l'illustratrice avec laquelle je travaillais et moi-même avions arrêté de participer à l'Inktober 2020, j'avais tout de même rédigé plusieurs textes sur les thèmes qui m'inspiraient. Celui-ci est l'un d'entre eux.

Crédit Couverture : Photo by Sebastian Pociecha on Unsplash.

POST-TOBER 2020 - #18 Trap
Une chance pareille, ça ne se rate pas

Lars avançait à pas de loup dans la forêt, veillant à ne pas briser la moindre branche morte. Son fusil à la main, il scrutait les environs, à l’affut du moindre bruit, du moindre mouvement. Pas question de rentrer bredouille encore une fois, les autres ramèneraient surement encore une fois du loup ou du cerf. Il devait au moins attraper quelque chose, même un lapin !

Soudain Lars se figea. Il avait entendu quelque chose : un galop hésitant et précipité. Il essaya de ratatiner son imposante carrure, mais il n’était pas des simples de se cacher quand on a ces épaules. Finalement, déboula devant lui un daim blessé, la patte en sang. Il sillonnait entre les arbres, faisant fi de sa blessure. Lars raffermit sa prise, il ralentit le rythme de sa respiration. Tout d’un coup l’animal se figea et tourna la tête vers le chasseur. Le sang de celui-ci ne fit qu’un tour, il devait faire feu maintenant. Mais il se raidit, incapable de bouger. Il s’invectiva intérieurement de bouger, mais son corps de répondait pas. Mais le destin était de son côté. Après une seconde d’hésitation, le daim se mit à courir à toute allure vers lui. Ne l’avait-il pas vu ? Une chance pareille, ça ne se rate ! Lars finit par se débrider, il raffermit sa prise sur son fusil et tira. Le trait de feu percuta l’animal en pleine tête. Le corps inerte de se dernier partit à la renverse, fauché par l’impact et s’étala de tout son long dans les fourrées.

Les mains du chasseur tremblaient. Il avait eu sa cible ! Il courut vers celle-ci, lâchant son fusil au passage, incapable de le garder tant il était secoué et excité. Il s’agenouilla à côté du daim mort. Son crâne avait été pulvérisé par la balle et sa patte semblait avoir été salement griffée. L’idée qu’il fuyait peut-être un prédateur lui vint à l’esprit. Sans attendre, Lars décida de ramener son trophée. Il posa une main sur son flanc pour vérifier qu’il n’avait plus de pouls.

Au moment où il toucha le pelage tacheté de l’animal, la carcasse fut prise d’un soubresaut bref, aussitôt suivi d’un éclair noir et rouge. Lars n’eut pas le temps de réagir et ne put qu’assister au phénomène. Un immense piège à loup venait de surgir de la poitrine de l’animal, se refermant sur le bras épais du chasseur. La douleur éclatante lui fit l’effet d’un électrochoc. Tout sembla s’obscurcir, comme si le crépuscule venait déjà de tomber. Pris d’une panique folle, Lars tira sur son bras. Les dents rouillées du piège labourèrent sa peau, laissant de profondes entailles et décollant les tendons de ses poignets. Sa main resta bloquée, si bien qu’il finit par utiliser sa main valide pour essayer de faire levier et forcer le mécanisme. Mais ce dernier, engluer dans les viscère de l’animal dont il était sorti, s’obstinait à sectionner l’extrémité du membre. Lars paniquait de plus en plus. Il était sûr d’entendre des murmures tout autour de lui, alors qu’il n’y avait pas de vent. Tout d’un coup, il sentit une nouvelle douleur fulgurante dans l’épaule. Il était sûr d’avoir vu un trait noir traverser les bois et le percuter. Comme si on lui tirait dessus depuis tellement loin qu’il ne pouvait l’entendre. Les murmures devinrent un bourdonnement oppressant. Lars pouvait entendre son cœur pulser dans ses tympans. L’angoisse et la panique grimpaient à toute allure. Sous l’effet de ces dernières, Lars donna un coup violent pour se dégager du piège, sa main finit par se déloger, non sans faire jaillir des cascades de sang. Le piège se referma dans un cliquetis gluant. La dépouille de l’animal s’assombrissait lentement, comme ronger par une décrépitude accélérée. Effrayé, le chasseur devenu proie détala à toute allure.

Les feuillages lui fouettaient le visage tandis qu’il fuyait. Il lâcha son sac et le maximum d’affaire qu’il pouvait pour ne pas le gêner. Dans sa précipitation, il laissa ses propres vêtements lui échapper. Malgré tout, son membre amputé rendait sa fuite difficile. A chaque bond, il sentait ses os grincer et la bile lui monter à la gorge. Il sentait les projectiles sombres lui frôler les tempes. Deux d’entre eux se logèrent dans son dos, lui arrachant des cris étouffés de douleur. Finalement, la lumière revint lentement tandis qu’il continua à sillonner entre les arbres.

C’est alors qu’au détour d’un arbre, il aperçut une forme familière. Tapis dans un coin, il reconnut la casquette enfoncée de son ami Garja. Ce dernier se figea en le voyant. L’amputé dévia de sa course et courut vers lui, heureux de voir enfin un visage amical. L’intéressé épaula aussitôt son fusil et un flash coupa net la course de Lars.

Garja contempla le corps du daim qu’il venait d’abattre. Le pauvre animal apeuré avait couru droit vers lui. Et une chance pareille, ça ne se rate pas !

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